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d’être et de vivre des hommes, par un fait nouveau, par une révolution, par un nouvel état social. On n’en a pas toujours assez tenu compte ; on ne s’est pas assez demandé quelles modifications ces grandes crises du monde apportaient dans l’existence matérielle des hommes, dans le côté matériel de leurs relations. Ces modifications ont, sur l’ensemble de la société, plus d’influence qu’on ne le croit. Qui ne sait combien on a étudié la question de l’influence des climats, et toute l’importance qu’y a attachée Montesquieu ? Si l’on considère l’influence directe du climat sur les hommes, peut-être n’est-elle pas aussi étendue qu’on l’a supposé ; elle est du moins d’une appréciation vague et difficile. Mais l’influence indirecte du climat, ce qui résulte, par exemple, de ce fait que, dans un pays chaud, les hommes vivent en plein air, tandis que, dans les pays froids, ils s’enferment dans l’intérieur des habitations, qu’ils se nourrissent ici d’une manière, là d’une autre, ce sont là des faits d’une extrême importance, et qui, par le simple changement de la vie matérielle, agissent puissamment sur la civilisation. Toute grande révolution amène dans l’état social des modifications de ce genre, et dont il faut tenir grand compte.

L’établissement du régime féodal en produisit une dont la gravité ne saurait être méconnue ; il changea la distribution de la population sur la face du territoire. Jusques-là les maîtres du territoire, la population souveraine, vivaient réunis en masses d’hommes plus ou moins nombreuses, soit sédentaires dans l’intérieur des villes, soit errant par bandes dans le pays. Par la féodalité, ces mêmes hommes vécurent isolés,