pas à leur nature, à leur principe propre. L’Église féodale ne cessa pas d’être animée, gouvernée au fond par le principe théocratique ; et pour le faire prévaloir, elle essayait sans cesse, de concert tantôt avec le pouvoir royal, tantôt avec le pape, tantôt avec le peuple, de détruire ce régime, dont elle portait pour ainsi dire la livrée. Il en fut de même de la royauté et des communes : dans l’une, le principe monarchique ; dans les autres, le principe démocratique continuèrent au fond de dominer. Malgré leur accoutrement féodal, ces éléments divers de la société européenne travaillaient constamment à se délivrer d’une forme étrangère à leur vraie nature, et à prendre celle qui correspondait à leur principe propre et vital.
Après avoir constaté l’universalité de la forme féodale, il faut donc se bien garder d’en conclure l’universalité du principe féodal, et d’étudier indifféremment la féodalité partout où on en rencontre la physionomie. Pour bien connaître et comprendre ce régime, pour démêler et juger ses effets quant à la civilisation moderne, il faut le chercher là où le principe et la forme sont en harmonie ; il faut l’étudier dans la hiérarchie des conquérants du territoire européen. Là réside vraiment la société féodale ; c’est là que nous allons entrer.
Je parlais tout à l’heure de l’importance des questions morales, et de la nécessité de n’en éluder aucune. Il y a un autre ordre de considérations, tout opposé à celui-là, et qu’on a en général trop négligé ; je veux parler de la condition matérielle de la société, des changements matériels introduits dans la manière