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il faut maintenant connaître, comprendre et les idées générales et les circonstances ; il faut savoir tenir compte des principes et des faits, respecter la vérité et la nécessité, se préserver de l’aveugle orgueil des fanatiques, et du dédain non moins aveugle des libertins. Là nous a conduits le développement de l’esprit humain et de l’état social : d’une part, l’esprit humain, élevé et affranchi, comprend mieux l’ensemble de choses, sait porter de tous côtés ses regards, et faire entrer dans ses combinaisons tout ce qui est ; d’autre part, la société s’est perfectionnée à ce point qu’elle peut être mise en regard de la vérité, que les faits peuvent être rapprochés des principes, et, malgré leur immense imperfection, ne pas inspirer, par cette comparaison, un découragement ou un dégoût invincible. J’obéirai donc à la tendance naturelle, à la convenance, à la nécessité de notre temps, en passant sans cesse de l’examen des circonstances à celui des idées, d’une exposition de faits à une question de doctrines. Peut-être même y a-t-il, dans la disposition actuelle et momentanée des esprits, une raison de plus en faveur de cette méthode. Depuis quelque temps se manifeste parmi nous un goût déclaré, je dirai même une sorte de prédilection pour les faits, pour le point de vue pratique, pour le côté positif des choses humaines. Nous avons été tellement en proie au despotisme des idées générales, des théories ; il nous en a, à quelques égards, coûté si cher, qu’elles sont devenues l’objet d’une certaine méfiance. On aime mieux se reporter aux faits, aux circonstances spéciales, aux applications. Ne nous en plaignons pas, Messieurs ; c’est