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Enfin une quatrième cause de civilisation, cause qu’il est impossible d’apprécier, mais qui n’en est pas moins réelle, c’est l’apparition des grands hommes. Dire pourquoi un grand homme vient à une certaine époque, et ce qu’il met du sien dans le développement du monde, nul ne le peut ; c’est là le secret de la Providence ; mais le fait n’en est pas moins certain. Il y a des hommes que le spectacle de l’anarchie ou de l’immobilité sociale frappe et révolte, qui en sont choqués intellectuellement comme d’un fait qui ne doit pas être, et sont invinciblement possédés du besoin de le changer, du besoin de mettre quelque règle, quelque chose de général, de régulier, de permanent, dans le monde soumis à leurs regards. Puissance terrible, souvent tyrannique, et qui commet mille iniquités, mille erreurs, car la faiblesse humaine l’accompagne ; puissance glorieuse pourtant et salutaire, car elle imprime à l’humanité, et de la main de l’homme, une forte secousse, un grand mouvement.

Ces diverses causes, Messieurs, ces forces diverses, amenèrent, du cinquième au neuvième siècle, diverses tentatives pour tirer la société européenne de la Barbarie.

La première, et quoiqu’elle ait été de peu d’effet, il est impossible de ne pas la remarquer, car elle émane des Barbares eux-mêmes, c’est la rédaction des lois barbares ; du sixième au huitième siècle, les lois de presque tous les peuples barbares furent écrites. Elles ne l’étaient pas auparavant ; c’étaient de pures coutumes qui régissaient les Barbares, avant qu’ils fussent