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En 1817, David Ricardo publia un gros volume[1], où, pour le fond des idées, il adopte la doctrine d’Adam Smith, mais où malheureusement, dans les développemens et les démonstrations, il s’écarte trop souvent de l’excellente méthode de cet auteur, pour la remplacer par des argumens subtils qui le conduisent à des résultats que ne confirment pas les faits réels[2]. On a fait beaucoup de bruit en Angleterre de son principe que l’inégale fertilité des terres est l’unique cause du profit foncier que rendent celles de meilleure qualité. Le fait que les terres inférieures ne rendent qu’à peine les frais de culture, a été remarqué dès longtemps[3] ; et l’on avait attribué le profit que celles de meilleure qualité donnent par delà des frais de culture, aux circonstances où se trouve la population environnante. Partout où cette population est assez nombreuse et assez riche pour payer les produits à un prix qui permette au propriétaire du sol de réclamer un profit pour son instrument qui est le sol, il se présente un fermier. Voilà le fait et en voilà la cause. Prétendre que la quantité des produits agricoles que réclament les besoins de la société, n’exerce aucune influence sur leur valeur, c’est démentir l’expérience. Prétendre que le travail est l’unique source de toute richesse, c’est la démentir également ; c’est faire la contrepartie de Quesnay, qui prétendait, au contraire, que le travail ne produisait rien et que la terre produisait tout. Il est fâcheux pour la science qu’on y introduise des argumentations scolastiques pour remplacer les inductions que suggère au bon sens la nature des choses. Dans les sciences physiques on fonde un principe sur des

  1. On the Principles of political economy and taxation, traduit en français par Constancio, avec des notes de J. B. Say.
  2. Dans nos discussions verbales, Ricardo me disait fréquemment : Accordez-moi ce point pour la commodité de l’argument, for the sake of argument.
  3. Voy. Smith, Richesse des nations, liv. I, ch. 11, partie 2e.