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n’a pas été d’accord sur tout ; mais en général on l’a été sur les points importans ; et sur les autres du moins on a mieux su de quoi il s’agissait. Pour s’en convaincre, pour juger les progrès qui ont été faits, il suffit de lire les anciens écrits sur les mêmes matières, même ceux des auteurs les plus célèbres. On est frappé du vague des idées et de l’expression. On sent qu’ils parlent sur des choses dont ils ne se sont pas bien rendu compte ; ils cherchent à expliquer ce qu’ils ne se sont pas expliqué à eux-mêmes.

En Angleterre, de 1804 à 1810, la dépréciation du papier monnaie (bank notes) a fait naître une foule d’écrits parmi lesquels on a distingué ceux de M. Huskisson, actuellement président du bureau du commerce, et ceux de David Ricardo, que la science a perdu depuis, homme à la fois fin et consciencieux, modeste avec une immense fortune et ferme avec douceur. Il a dévoilé complètement la théorie des monnaies, en prouvant que cet agent de la circulation (circulating médium) est une marchandise autre que la matière dont elle est faite ; il a démêlé avec sagacité l’influence réciproque de leur valeur réciproque, et prouvé que, dans les échanges, la valeur de la monnaie, fût-elle de papier, s’établit d’après des principes tout à fait analogues à ceux qui déterminent celle de toute autre marchandise. Il s’éleva entre lui et M. Malthus une controverse sur l’origine et les effets du profit foncier (rent), où l’un et l’autre en poussant trop loin les conséquences de principes avoués, et négligeant les faits accessoires qui ont aussi leurs principes et leurs conséquences, se sont perdus dans une métaphysique obscure qui, selon plusieurs personnes, n’a rien ajouté à nos connaissances réelles. En courant après la recherche de ce qui doit être, on perd de vue ce qui est, on s’éloigne de toute application utile, et l’on devient prodigieusement ennuyeux ; ce qui nuit a la propagation des lumières, même lorsqu’on a raison.