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Dès avant la publication de l’ouvrage de Smith, ou presque en même temps, quelques écrivains italiens, au nombre desquels il faut placer sur un rang très élève, Verri, Beccaria, Filangieri, contribuèrent à développer et à répandre des notions d’économie politique très judicieuses et très utiles ; mais ils ne me paraissent pas avoir d’allure qui leur soit propre, et marchent constamment appuyés sur les publicistes de l’Angleterre et de la France. Benjamin Franklin, en Amérique, et avant d’avoir connu, à ce qu’il semble, les écrits de ceux qui l’avaient précédé, plaça dans la plupart de ses publications des vues d’économie générale où l’on retrouve cette philosophie expérimentale qui empêche qu’on ne s’égare, et qui apporte toujours d’utiles tributs au trésor commun des connaissances humaines. Raynal, dans son histoire de l’établissement des Européens dans les deux Indes, Condorcet, dans ses notes sur la première édition complète de Voltaire, Necker, dans ses écrits sur les finances, le comte de Mirabeau, dans ses polémiques, dirigèrent l’attention du public instruit sur les questions économiques. Enfin l’émancipation de l’Amérique anglaise en 1776, et la révolution de France en 1789, ouvrirent un champ immense aux observations qui avaient pour objet l’économie des sociétés. Des gouvernemens conseillés soit par des passions populaires, soit par d’anciennes prétentions, soit par des ambitions nouvelles, accumulèrent des fautes déplorables pour les nations, mais au total favorables aux progrès de l’esprit humain.

Bonaparte détestait l’économie politique ; non pas qu’il y comprît quelque chose, mais par instinct, et parce que l’arbitraire ne veut être lié par aucun principe. Il veut gouverner même la nature des choses ; mais la nature des choses est la plus forte ; et quand Bonaparte est tombé, non à cause des neiges de Russie ou de la défection de ses serviteurs, mais uniquement par ses fautes, les principales nations de l’Europe, et notamment la France et