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siècle, la plupart des publicistes amis du bien public, le système exclusif a compté des partisans jusqu’à notre époque ; mais en très petit nombre parmi la classe instruite et peut-être seulement parmi les hommes sensibles à l’amour des places plutôt qu’à celui de la vérité.

Pour observer les premières atteintes qu’il reçut, nous sommes forcés de nous reporter en arrière et de franchir le canal de la Manche.

La compagnie anglaise des Indes, originairement fondée en 1600, puis supprimée, puis rétablie en 1658, en acquérant quelque importance, ne tarda pas à s’apercevoir que l’objet de commerce que l’on pouvait envoyer avec le plus d’avantage en Asie, était l’argent ; nulle autre marchandise, à valeur égale, ne produisait d’aussi gros retours. Malheureusement le préjugé de la balance du commerce était dans toute sa force ; on croyait généralement que la nation perdait les sommes qu’elle envoyait au dehors ; et toute la législation était contraire à de tels envois ; l’existence même de la compagnie était compromise par ces envois. Il fallut obtenir de quelques écrivains de talent qu’ils en fissent l’apologie ; malheureusement le public, le gouvernement, bien plus, la compagnie elle-même, et ses avocats, partageaient le préjugé commun. On fut réduit, pour défendre une cause qui nous paraît maintenant si simple à la fois et si juste, de soutenir que l’argent exporté par la compagnie en ramenait davantage du dehors, au moyen de la vente qu’elle faisait des produits de l’Inde. Thomas Mun, l’un de ses plus habiles défenseurs, la comparait au laboureur qui jette son grain à la volée pour en recueillir plus qu’il n’en a semé.

Quand l’opinion publique n’est pas éclairée, les intérêts généraux demeurent privés de leur appui naturel, celui du grand nombre, jusqu’à ce que des intérêts particuliers viennent à leur secours. Ceux qui trafiquaient au dehors ne pouvaient manquer de s’apercevoir que les