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pris. C’est peut-être parce que les Grecs et les Romains ont été nos premiers, et pendant long-temps nos seuls instituteurs, que l’économie politique s’est développée si tard en Europe[1]. Il est permis de croire que nous aurions été moins retardés si deux nations vaincues par eux, les Phéniciens et les Carthaginois, avaient laissé des écrits qui eussent pu parvenir jusqu’à nous.

Lorsque les nations ne trouvent plus rien à piller, elles commencent à chercher les moyens de produire. D’abord leur vue se porta sur cette portion des richesses de la société qui forme la partie la plus sensible et la plus capable de frapper des regards inhabiles, les métaux précieux. Comme on voyait que les productions quelconques se résolvaient par des échanges en or ou en argent, avant d’être transformées en objets de consommation, on prit le moyen pour la fin ; on crut que l’agriculture, les arts et le commerce n’étaient rien qu’autant qu’ils procuraient de l’or et de l’argent, et que nulle richesse n’était perdue aussi long-temps qu’on parvenait à conserver ces précieux métaux, qui, quoique beaucoup plus multipliés de nos jours, forment cependant encore une si petite partie de la richesse des nations. Une loi de l’empereur Constance porte que les négocians étrangers qui mettront le pied sur le territoire de l’empire, devront faire constater la somme d’argent qu’ils apportent, et qu’ils ne pourront rien y ajouter en s’en retournant. Depuis ce temps, et partout où le gouvernement s’est trouvé assez puissant pour empêcher la sortie des métaux, il a eu soin de la prohiber.

Mais il ne suffit pas de défendre l’exportation de l’ar-

  1. Leurs mauvaises doctrines sur l’objet et les ressources des sociétés se sont propagées jusqu’à nos jours, et c’est à elles peut-être qu’il faut imputer les systèmes soutenus par deux célèbres écrivains, J.-J. Rousseau et Mably, auxquels des intentions pures et de beaux talens ont fait pardonner beaucoup d’erreurs.