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des choses oblige de les laisser s’approvisionner ailleurs des articles qui leur sont le plus nécessaires ; et, quand, on ne leur laisserait pas cette faculté, elles se l’arrogeraient. Mais en supposant même qu’on pût les obliger à ne s’approvisionner que chez nous, y trouverions-nous un débouché plus grand que celui que nous offriraient les nations qui cultiveraient du sucre pour nous ? Il faudrait de toutes manières payer le sucre que nous consommerions ; et l’on sait qu’une nation ne peut s’acquitter autrement qu’avec ses propres produits. Les producteurs français seront toujours chargés de créer la valeur nécessaire pour acheter les produits étrangers que la France voudra consommer, de quelque part qu’elle les fasse venir.

Les colonies qui nous coûtent si cher, gagnent-elles au moins quelque chose à être gouvernées par nos bureaux ? probablement que non, puisqu’elles soupirent après leur indépendance, et les seules qui l’ont obtenue sont les seules qui prospèrent. La Martinique et la Guadeloupe, quoiqu’elles ne paient que la moitié des frais que coûte leur administration, dépensent plus que si elles s’administraient elles-mêmes. Le joug de la métropole leur pèse, quoique secoué à moitié[1]. Dira-t-on que les forces de la métropole sont nécessaires pour les défendre en cas de guerre, lorsqu’on a vu la seule de nos colonies qui se soit rendue indépendante, Haïti, être la seule qui n’ait pas été conquise dans la dernière guerre ? D’ailleurs qu’a-t-on à regretter lorsqu’on ne perd que des charges ? Tout cet échafaudage de vieille politique, qu’on appelle système colonial, et qui ne s’est soutenu que par d’énormes dépenses, par des guerres presque continuelles, et par

  1. « Le monopole établi en faveur de la France dans celles de nos colonies qui peuvent le supporter, est un tribut que nous leur imposons, et un tribut assez pesant. » Compte-rendu en 1820 par le ministre de la marine.