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Les colonies des Européens leur coûtent sous deux rapports. Elles coûtent d’abord les frais que nécessitent leur administration civile et militaire, leurs établissemens publics, leurs fortifications, les forces militaires qu’il faut entretenir pour les protéger ; et de plus, les frais dont la métropole est grevée pour leur assurer le monopole de son marché. La plupart des denrées coloniales (qu’il faudra bien nommer équinoxiales, lorsque l’inévitable moment sera venu où toutes les colonies seront devenues des états indépendans) sont pour l’Europe des produits d’une indispensable nécessité. La France seule consomme annuellement cent millions de livres de sucre brut qu’elle paie à ses colonies cinquante millions de francs avant d’avoir acquitté aucun droit. Si on lui permettait d’acheter cette denrée aux Indes orientales, elle ne la paierait que trente millions. Les droits étant les mêmes dans les deux cas, le fisc ne recevrait pas un sou de moins, et la France gagnerait vingt millions tous les ans. Elle gagnerait davantage ; car la consommation deviendrait plus considérable par le bon marché, et le fisc lui-même recevrait davantage.

Qu’obtenons-nous en compensation de ces sacrifices ? est-ce le privilège d’approvisionner seuls nos colonies de nos produits ? nous n’en jouissons pas ; car la force

    çaises pourraient fournir du sucre terré qui a reçu une première purification, à peu près pour le même prix que le sucre brut qui est encore chargé de sa mélasse. Elles y gagneraient d’excellent tafia ou rhum. La métropole y gagnerait de fabriquer un sucre plus cristallisable et d’éviter la perte qu’elle fait sur l’extraction de la mélasse ; celle-ci vaut moins en effet que les frais qu’elle occasionne ; car, outre l’opération, elle coûte, de même que le sucre brut où elle est contenue, le fret, l’assurance et un droit de 25 fr. par quintal. Mais, afin de réserver à la métropole cette manipulation (qui cause une perte), on prohibe, par des droits excessifs, l’importation du sucre terré. On prive ainsi la France et la colonie d’un arrangement qui serait profitable a toutes deux.