Page:Guizot - Encyclopédie progressive.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était suivi de la consommation. Ce n’est donc que par accident, par de faux calculs, par des exceptions en un mot, que la production peut être en excès sur la consommation.

Nous nous sommes représenté la production comme un grand échange dans lequel nous donnons nos services productifs, ou, si l’on veut, nos frais dé production, pour recevoir des produits qui deviennent par là notre bien ; nous pouvons nous représenter à son tour la consommation comme un autre échange dans lequel nous donnons nos produits, notre bien, pour recevoir en retour soit d’autres produits accrus par des profits, soit des satisfactions d’où résultent le maintien de la vie et la plupart des jouissances dont elle est accompagnée[1]

  1. Plusieurs des jouissances et des plus précieuses de la vie ont leur source dans des biens naturels qui ne sont pas du ressort de l’économie politique, tels que l’existence elle-même, la santé, la gaieté, l’attachement de nos proches et de nos amis, l’estime de nos concitoyens, etc. Quelques philosophes ascétiques en ont tiré un sujet de blâme pour les vérités dépendantes de l’économie politique qu’ils ont représentée comme nous attachant trop exclusivement aux intérêts personnels et matériels de l’humanité. Mais leurs vues ne sont-elles pas elles-mêmes trop exclusives et trop bornées ? D’abord, les richesses sociales, qui sont proprement l’objet des considérations de l’économie politique, n’excluent point la recherche des biens naturels qui sortent de sa sphère. En second lieu, les richesses sociales sont loin de nous attacher à des intérêts purement personnels et matériels. En portant sans cesse, au contraire, notre attention sur des biens communs à la société tout entière, sur les moyens de les acquérir sans préjudice pour personne, et de les répandre sur ceux que nous chérissons, elle étend nos relations et nos affections sociales. Qui ne voit d’ailleurs la liaison de nos biens matériels avec notre perfection morale ? Est-ce chez les Hurons ou chez les peuples riches que l’on trouve le plus de douceur et de délicatesse dans les rapports entre les époux, les parens et les amis ? Est-ce le sauvage ou l’homme civilisé qui fait travailler sa femme comme une bête de somme, et qui tue son vieux père lorsqu’il ne peut plus se nourrir ? Et sous le rapport intellectuel que ne devons-nous pas à l’économie des sociétés ! Ce sont les progrès de la production,