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vie moyenne des individus se prolonge à quarante ans, que si la vie moyenne se réduit à vingt. Des deux façons, l’effet sera le même par rapport au nombre des hommes ; mais il sera fort différent par rapport à leur condition. Là où il y a moins de naissances et de décès, il y a moins aussi de ces douleurs qui accompagnent nécessairement notre entrée dans cette vie et le congé que nous sommes forcés d’en prendre. Dans ces deux occasions solennelles, l’humanité a des souffrances morales à supporter, aussi bien que des douleurs physiques. Des liens, des besoins réciproques, attachent communément chaque personne à beaucoup d’autres ; liens de famille, liens d’amitié, besoin qu’une mère a de sa fille, un père de son fils. Que de regrets et quelles privations ! Nos lumières, notre expérience, notre capacité, en un mot, ne s’acquièrent pas à peu de frais ; ces biens coûtent aux auteurs de nos jours des sacrifices, à nous-mêmes du travail et des peines qui se renouvellent pour chaque individu, et d’autant moins souvent que la vie moyenne est plus longue. L’homme jouit alors plus long-temps de ce qu’il a péniblement acquis ; il vit proportionnellement davantage dans un état de maturité, dans la plénitude de sa vie et de ses facultés ; et l’on peut dire avec exactitude que l’espèce humaine est plus parfaite quand la durée moyenne de la vie est plus longue. Avec une durée moyenne de vingt ans, à peine un homme a-t-il conquis son rang dans le monde, qu’il est question pour lui de le quitter ; avec une durée moyenne plus longue, on peut occuper long-temps son poste avec satisfaction pour soi, avec profit pour l’humanité. Supposez Franklin emporté à vingt ans par la fièvre jaune, et Washington tué dans la guerre du Canada, que devenait l’indépendance américaine et la liberté du monde ? Nous avons lieu d’être satisfaits des progrès qui ont été faits à cet égard dans presque tous les pays habités par des peuples de race européenne. Une connaissance plus parfaite de la physio-