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à aucune matière. Les services rendus, soit aux individus, soit à la société tout entière, sont des services aussi réels que ceux qui contribuent à la valeur donnée à un produit matériel. On achète le service que rendent un médecin, un avocat, un fonctionnaire public ; mais leur service une fois rendu, il ne reste aucune valeur attachée à aucune substance matérielle et qui puisse se transmettre de nouveau, comme il en reste dans une étoffe qui, ayant été achetée, peut être revendue. Cependant, comme l’utilité qui résulte de ce genre de service a toutes les mêmes propriétés que celle qui résulte de celle des produits matériels, comme elle est, ainsi que cette dernière, le fruit d’une industrie et même d’un capital[1], qu’elle est vendue par une personne et achetée par une autre, cette utilité, quoique fugitive, veut être nommée un produit ; mais c’est un produit immatériel.

Toutes ces productions sont la source de tous les revenus légitimes. Il n’est aucune valeur qui entre dans le monde autrement que par les moyens dont l’esquisse précède. Si une personne quelconque jouit d’un revenu qui ne procède pas d’une des sources que je viens d’indiquer, c’est un revenu usurpé ; il provient d’une perte équivalente supportée par la société ou par une partie de la société, de même que les gains du jeu supposent une perte précisément équivalente. Il suffit à l’intérêt personnel dépourvu de moralité d’acquérir des biens, quelle qu’en soit la source ; mais une nation ne s’enrichit pas par des gains qui entraînent des pertes, et l’homme d’état, le véritable publiciste, qui doivent à tous une égale

  1. Les études d’un médecin, d’un avocat, d’un fonctionnaire public, sont une avance dont l’intérêt se confond avec le profit résultant de leur travail. Seulement c’est un capital placé à fonds perdu, et qui doit porter le remboursement du principal en même temps que les intérêts.