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Quand, par un progrès de l’art, le produit revient moins cher au producteur, il peut, sans y perdre, le faire payer moins cher au consommateur, c’est-à-dire à la société, qui ne subsiste que de ses consommations. Dans ce grand échange que nous avons appelé production, la société donne alors moins pour obtenir plus. Elle fait un gain, non aux dépens d’une partie des associés, mais aux dépens de la nature, qui devient plus libérale envers l’homme à mesure qu’il apprend à mieux connaître la nature des corps dont elle se compose et les lois qui les régissent : c’est-à-dire à mesure qu’il est plus instruit.

Il est facile de se convaincre que, dans le cas d’un progrès fait par l’industrie, l’avantage qu’en retire une portion de la société n’est point obtenu aux dépens d’une autre portion : les consommateurs d’un produit jouissent pour le même prix d’une plus grande quantité ou d’une meilleure qualité, et les producteurs ne gagnent pas moins ; car ils peuvent, sans y perdre, donner à plus bas prix ce qui leur a coûté moins de frais de production. Un pareil avantage peut s’obtenir successivement par rapport à tous les produits ; car une baisse de ce genre n’est pas relative ; elle est réelle. Le prix d’une marchandise ne se compare pas avec le prix d’une autre, mais avec les frais de sa production, avec le prix qu’elle coûtait auparavant.

Cette démonstration, poussée à la dernière évidence par l’étude des principes fondamentaux[1], a donné la clé d’une proposition qui semblait paradoxale : on ne pouvait pas jusque là concilier ces deux idées également vraies, que la valeur des choses qu’on possède constitue le degré de richesse qui réside en elles ; et, en en même temps, qu’un peuple est d’autant plus riche, que les produits y sont à meilleur marché. En effet, nous

  1. Voyez Traité d’économie politique, liv. ii, ch. 2 et 3.