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montre la nécessité d’admettre dans l’économie politique une appréciation rigoureuse, une évaluation du mal et du bien, qui résultent du jeu de cette grande machine. Or, qui peut mieux évaluer ces choses que les hommes dont se compose le public, et qui sont perpétuellement appelés à comparer l’étendue du sacrifice avec la jouissance qui en est le prix ? et quel meilleur moyen de connaître leur évaluation, que d’observer le prix courant des divers travaux et celui des divers produits ?

C’est ainsi que l’on sait quel produit, selon l’estimation des hommes, vaut ou ne vaut pas ce qu’il coûte ; et qu’en introduisant dans les calculs de l’économie politique la valeur échangeable, ou le prix courant des services et des produits, on a donné à ses déductions un fondement qui les a élevées au dessus du vague des hypothèses et des conjectures. Quand on veut savoir si une production est avantageuse ou ne l’est pas, il suffit de comparer tous les sacrifices nécessaires pour qu’elle s’accomplisse, ou les frais de sa production, avec la valeur produite, ou le prix que les consommateurs consentent à payer pour le produit, lorsqu’il est mis en vente. L’entrepreneur, qui représente ainsi tous les producteurs réunis, est en lutte, d’une part, contre la nature des choses, pour acquérir d’elle un produit, et, d’une autre part, avec le consommateur, pour le vendre. Pourvu que le consommateur consente à lui payer ce que le produit a coûté, son intérêt est sauf[1] ; c’est le calcul vulgaire, et celui qui suffit aux intérêts privés. L’intérêt de la société donne lieu à des considérations plus nouvelles et d’un ordre plus élevé.

  1. Le travail de l’entrepreneur lui-même fait partie des frais de production. C’est une avance de la même nature que toutes les autres ; il est en perte si elle n’est pas, de même que les autres avances, couverte par le prix courant du produit.