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matérielle et végétative, il a peu de besoins à satisfaire au delà de sa nourriture. Quand il fait partie d’une nation civilisée, ses besoins sont nombreux et variés ; et de nouveaux développemens de la société, en lui créant d’autres besoins encore, étendent ses facultés et lui fournissent de nouveaux moyens de les satisfaire[1].

C’est là le trait le plus saillant de la civilisation. Qu’avons-nous par dessus les Calmouks, si ce n’est que nous produisons et que nous consommons davantage ? Si la civilisation est plus avancée à Paris que dans la Basse-Bretagne, c’est parce qu’on y produit et parce qu’on y consomme, en plus grande quantité, une plus grande variété de produits ; c’est parce qu’on y éprouve le besoin d’un logement plus élégant et plus commode, d’une nourriture plus délicate, d’un vêtement plus propre et plus élégant ; c’est parce qu’on y goûte la lecture et l’instruction, que l’on y sait jouir des productions des beaux arts, qu’on y recherche enfin cette foule d’objets utiles ou agréables dont la création occupe une multitude de bras, de talens, d’instrumens, et met à contribution, non seulement les facultés productives de l’homme, mais encore celles du sol dans toutes ses localités, aussi bien que toutes les forces que la nature nous prête, quand nous avons appris à la solliciter.

C’est ainsi que nous nous approchons de plus en plus de l’état naturel de l’homme ; car l’état naturel de tous les êtres est celui où ils ont atteint leur entier développement. Voyez cet arbre chétif et rabougri qui, par la faute du terrain ou du climat, n’a pu parvenir à se pro-

  1. Remarquons en passant que ce n’est pas sans un sentiment quelconque de peine que nous éprouvons des besoins, et sans un sentiment correspondant de plaisir que nous parvenons à les satisfaire ; d’où il résulte que les expressions : pourvoir à nos besoins, multiplier nos jouissances, et même contenter nos goûts, présentent des idées du même genre et qui ne diffèrent entre elles que par des nuances.