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L’économie sociale ne peut être bien étudiée que chez les nations qui ont acquis un certain développement. Nous pourrions sans doute rechercher ce qu’elle est chez les peuples qu’on nomme chasseurs, ou pasteurs, ou cultivateurs. Le monde nous offre encore quelques échantillons de ces différentes formes de la société ; nous y verrions même les rudimens d’une civilisation plus complète ; mais ce serait une recherche sans objet. Pour étudier la physiologie du corps humain, ce n’est pas dans un embryon imparfait que nous allons la chercher : c’est dans l’homme adulte. Pour connaître la physiologie du corps social, c’est, pour la même raison, la société développée qu’il faut étudier ; car elle, aussi, est un corps vivant, non moins admirable, non moins utile à connaître, dont le développement, la force, ou le déclin, dépendent de lois non moins positives, et qui sont peut-être même plus accessibles a nos recherches[1].

S’il est superflu d’étudier les sociétés dans leur état imparfait, il serait téméraire de fonder une doctrine sur ce qu’on imaginerait être le type d’une perfection idéale. Le champ des conjectures n’est fermé pour personne, mais celui des réalités est le seul qui produise de solides récoltes. Il n’y a de science véritable que celle qui dans chaque genre nous fait connaître ce qui fut, ou ce qui est. C’est de là qu’il faut partir, quand on ne veut pas s’égarer, pour perfectionner ce qui sera.

Le premier élément des sociétés est l’homme, tel que l’observation nous le montre, avec ses facultés et ses besoins. Ses besoins dépendent de sa nature, de son organisation physique et morale, et diffèrent suivant les positions où il se trouve. Quand il est borné à une vie

  1. Nous pouvons, dans un petit nombre de cas seulement, observer les parties internes du corps humain pendant qu’elles remplissent leurs fonctions ; tandis que nous sommes, pour ainsi dire, constamment plongés dans le corps social en action.