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xxxij INTRODUCTION.


conjectures et sur des suppositions, quelle autorité peut-il avoir aux yeux de ceux qui pensent avec raison que la philologie, comme l'histoire, ne doit avancer qu'à la lumière des faits ?


L'erreur de ces étymologistes a sa source dans une méprise de mots. " Les Grecs, dit Schlozer dans son Histoire universelle du Nord, divisaient tout le genre humain en Grecs et Barbares, et ces derniers en quatre grands corps ; les Celtes, les Scythes, les Indiens et les Ethiopiens. La Celtique comprenait ainsi toute l'Europe septentrionale et occidentale ; mais il est ridicule de prendre, comme l'avaient déjà fait quelques auteurs anciens, ce nom purement géographique de Celtique pour un nom historique, et d'inventer, d'après cela, les migrations de peuples les plus extraordinaires.... C'est raisonner comme le ferait un Turc (dans la langue duquel tous les Européens se nomment Francs), qui dirait que, dans le seizième siècle, les Francs de la race de Clovis ont envoyé des colonies à Sumatra ; dans le dix-septième, aux rives de l'Orénoque, etc. Le fait est que des Francs, c'est-à-dire des Européens, ont fondé ces colonies ; mais ce ne sont pas des Francs de la race de Clovis : c'est là cependant ce qui est arrivé pour la plupart des prétendues colonies celtiques, etc. "


L'histoire des langues a été sujette à la même méprise que celle des faits ; de là tant d'étymologies prétendues, de raisonnements spécieux, d'hypothèses hasardées, auxquelles se sont livrés Court de Gébelin et ses sectateurs. Les philologues les plus distingués, tels qu'Adelung, Gatterer, Whiter, etc., ont signalé cet écueil, en rejetant tout ce qui pouvait y conduire. Gatterer, dans sa classification des langues européennes, ne reconnaît que le biscaïen, la langue erse, le finnois et le dialecte de la Bretagne et du pays de Galles, que l'on puisse considérer comme sortant du même tronc. Adelung restreint encore plus les ramifications du celtique. De pareilles autorités sont décisives ; et pour mettre dans une plus grande évidence le peu de solidité du systême étymologique de l'abbé Roubaud, je citerai quelques-unes des applications qu'il en a faites.


1°. " Adoucir, dit-il, vient du latin edulcare (de dulcis), rendre doux ; racine celte, dol, tol, qui signifie raboter, aplanir, polir, adoucir. " Je me contenterai d'opposer à cette prétendue étymologie celle que Vossius, dans son