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INTRODUCTION. xxix


des synonymes une étude particulière, quoiqu'avant lui Ménage et le Père Bouhours s'en fussent occupés. Les observations de l'un sur la langue française, et les remarques critiques de l'autre, contiennent un grand nombre de synonymes ; mais les changements qu'a subis la langue, les variations qu'a essuyées le sens des mots, rendent la plupart des observations de ces deux savants plus curieuses qu'utiles. Ce qui m'en a le plus frappé, ce qui doit servir de leçon et d'exemple aux grammairiens modernes, c'est la scrupuleuse exactitude avec laquelle Ménage étaie toujours son opinion de l'autorité des écrivains célèbres de son temps.


" Dès que l'ouvrage de l'abbé Girard parut, dit Beauzée, il fixa l'attention des savants et les suffrages du public. Lamotte jugea d'après cet écrit, et sans en connaître l'auteur, que l'Académie française ne pourrait se dispenser de l'admettre dans son sanctuaire, s'il s'y présentait avec un tel ouvrage. Il subsistera, dit M. de Voltaire, autant que la langue, et il servira même à la faire subsister. "


Je n'ajouterai rien à ces éloges ; je me bornerai à faire observer que l'abbé Girard n'a presque jamais consulté en écrivant que l'usage et sa sagacité naturelle : il a bien connu l'un et a été heureusement servi par l'autre ; mais l'absence de toute étymologie, de toute citation, de toute analyse grammaticale et rigoureuse, prive souvent son ouvrage de ce caractère de solidité si essentiel dans les recherches sur la synonymie des mots, où la finesse peut si aisément séduire, où l'agrément des détails fait oublier tant de fois la faiblesse des raisonnements. L'abbé Girard ne manque ni de sagacité ni de justesse ; il possède surtout le talent d'encadrer les synonymes dans des exemples propres à en faire ressortir les nuances ; mais le désir de briller l'engage parfois dans des dissertations sans intérêt et sans but. Plusieurs de ses synonymes servent moins à distinguer les termes qu'à amener des phrases spirituelles : on peut voir entre autres le long synonyme qu'il a fait sur amour et galanterie ; ces deux mots sont trop différents pour avoir besoin d'être distingués, et il a rempli cinq pages de nuances souvent recherchées, et tout au moins déplacées.


C'est là peut-être ce qui rend son ouvrage plus agréable pour les gens du monde qu'utile pour ceux qui étudient l'art d'écrire : il paraît même, d'après la préface, que