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INTRODUCTION. xxj


rare, et l'on a raison d'affirmer qu'une langue parfaite n'aurait point de vrais synonymes ; c'est le seul cas où l'on puisse répondre affirmativement ainsi que Dumarsais et l'abbé Girard : mais comme aucune langue ne peut se glorifier d'avoir atteint une perfection qui probablement ne sera jamais que théorique, gardons - nous de croire qu'il ne peut exister des synonymes parfaits : bornons-nous à dire que ceux qui existent n'ont aucun intérêt pour nous, et que ce sont d'ailleurs presque toujours des mots représentatifs d'objets physiques et individuels. Quant aux autres mots qui, dans l'origine, ont pu être vraiment synonymes, l'usage établit graduellement entre eux des nuances qu'il faut saisir, auxquelles on peut même ajouter, et qui deviennent de jour en jour plus nombreuses ou plus frappantes.


Dumarsais lui-même paraît avoir le sentiment de cette vérité lorsqu'il ajoute : " Les mots anciens et les mots nouveaux d'une langue sont synonymes : maints est synonyme de plusieurs, mais le premier n'est plus en usage. C'est la grande ressemblance de signification qui est cause que l'usage n'a conservé que l'un de ces termes et qu'il a rejeté l'autre comme inutile. " Ce n'est donc qu'en considérant la langue française comme parfaite, comme arrivée à ce point où les langues peuvent mourir, mais ne vieillissent plus, qu'il a pu dire qu'elle ne contenait point de vrais synonymes.


Maintenant, dira-t-on, comment les synonymes (nous revenons au sens que notre définition donne à ce mot) se sont-ils introduits dans la langue ? les causes de leur origine sont si multipliées que je me bornerai à indiquer les principales.


1° La diversité des dialectes. Toutes les peuplades d'une grande nation, presque indépendantes les unes des autres, avaient chacune leur dialecte particulier. Lorsque le dialecte de l'une d'elles a prévalu et est devenu la langue commune, il a été contraint de s'associer en quelque sorte les autres dialectes ; de là une infinité de synonymes qui se sont distingués insensiblement, s'ils ne l'étaient pas déjà à cause de la marche différente qu'avaient suivie les diverses peuplades dans la formation des mots.


2° La variété des sources étymologiques. Ce n'est pas du latin seulement que le français dérive ; plusieurs autres