Page:Guizot - Dictionnaire universel des synonymes, 1809.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

xx INTRODUCTION.


l'abbé Girard, Dumarsais et autres, ont répondu qu'il n'y avait point de vrais synonymes, " Parce que, dit le dernier, s'il y avait des synonymes parfaits, il y aurait deux langues dans une même langue. Quand on a trouvé le signe exact d'une idée, on n'en cherche pas un autre. " (Voyez DUM. Traité des Tropes, 3e part. art. 12.)


Si la langue s'était formée d'après une délibération réfléchie, une convention reconnue de tous ceux qui devaient la parler, ces philologues affirmeraient avec raison qu'elle ne peut contenir de vrais synonymes ; les inventeurs auraient évité tout double emploi. " Mais la signification des mots, dit Dumarsais lui-même, ne leur a pas été donnée dans une assemblée générale de chaque peuple, dont le résultat ait été signifié à chaque particulier qui est venu au monde. " La langue est un composé des divers langages des hordes éparses qui, dans l'origine, constituaient la nation : ces hordes ayant très-peu de rapports entre elles, les mots n'étaient connus d'abord que dans un cercle fort étroit ; dans un autre cercle on en inventait d'autres pour désigner les mêmes choses, faute de savoir qu'il en existait déjà : il se trouva donc nécessairement, lors de la réunion des hordes et des langages, plusieurs mots représentatifs des mêmes objets, c'est-à-dire parfaitement synonymes. C'est sur les mots représentatifs des objets physiques, des premiers besoins de l'homme, des productions les plus communes de la nature, que cette synonymie dut surtout tomber : aussi a-t-il fallu que les naturalistes créassent une langue scientifique en définissant soigneusement les mots, et qu'ils indiquassent les dénominations synonymes des divers dialectes. La Botanique en offre un exemple frappant.


A la vérité, ces mots, par leur nature même, n'ont pour nous aucun intérêt ; mais ils n'en font pas moins partie de la langue, et c'est pour avoir trop généralisé une vérité particulière, pour avoir négligé l'analyse exact et complète du langage, que nos philologues ont nié l'existence des synonymes parfaits.


Ce qu'on peut dire, c'est qu'à l'époque où les progrès de la civilisation ont rapproché les peuplades et formé de leurs dialectes particuliers une langue commune, on a dû s'apercevoir de l'inutilité des synonymes, et ne conserver qu'un seul mot pour chaque objet. Plus les langues se sont perfectionnées, plus le double emploi a dû devenir