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xiv INTRODUCTION.


accessoire de passer au service des ennemis ; cependant ces deux mots sont de vrais synonymes, et Beauzée les a traités comme tels.

A la vérité, les synonymes de ce genre sont moins parfaits que ceux qui ont pour objet des mots représentatifs d'idées coordonnées. Il est plus aisé de voir ce que l'idée subordonnée ajoute à l'idée mère, que d'assigner les nuances différentes par lesquelles des idées coordonnées se distinguent entre elles ; mais cela n'empêche pas que les premières ne soient aussi du domaine de l'étude qui nous occupe, domaine qu'une rigueur extrême rendrait trop borné.

Il arrive parfois qu'un mot a deux significations, dont l'une correspond à une idée principale, l'autre à une idée particulière ; celle-ci peut avoir des idées coordonnées, celle-là des idées subordonnées ; en sorte que le mot se trouve lié à des synonymes des deux genres. Ainsi le mot poids désigne arbitrairement la qualité qui fait tendre les corps vers le centre de la terre ; sous ce rapport il exprime une idée coordonnée à celle des mots gravité, pesanteur, avec lesquels il est synonyme, mais il est de plus lié par des rapports de synonymie avec les mots charge, faix, fardeau, qui expriment des idées subordonnées à celle de poids, à laquelle ils ajoutent l'idée accessoire de porter. Une charge, un faix, un fardeau, sont des poids que l'on porte : on dit figurémént soutenir le poids des affaires, comme on dirait, soutenir le fardeau des affaires'.

C'est pour avoir négligé de distinguer la synonymie qui résulte de la subordination des idées à une autre, de celle qui résulte de leur coordination entre elles, que l'abbé Girard a soutenu contre l'Encyclopédie que le mot poids n'était pas synonyme des mots charge, fardeau, faix, mais seulement des mots gravité et pesanteur.

Il n'est pas même nécessaire pour qu'un mot se rattache à différentes familles de synonymes, qu'il ait avec les unes des rapports de subordination, et avec les autres des rapports de coordination ; il suffit qu'il soit susceptible de différents sens. Le mot imputer, par exemple, est dans une acception synonyme de déduire, retrancher ; et dans une autre, il est synonyme d' accuser, inculper, quoiqu'il n'ait avec ces deux familles de mots que des rapports de coordination : cette multiplicité de sens ayant presque toujours pour cause le nombre des idées simples qui forment l'idée