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Ardennes [la Carbonnière]. Comme on délibérait pour savoir si, pour profiter de la victoire, on devait passer dans le pays des Francs, Nannénus s’y refusa, sachant bien qu’ils étaient prêts à les recevoir, et qu’ils seraient certainement plus forts chez eux. Quintinus et le reste de l’armée étant d’un avis différent, Nannénus retourna à Mayence. Quintinus, ayant passé le Rhin avec son armée auprès de Nuitz xxv, arriva, le deuxième jour de marche depuis le fleuve, à des maisons inhabitées et de grands villages abandonnés. Les Francs, feignant d’être épouvantés, s’étaient retirés dans des bois très enfoncés, et avaient fait des abattis sur la lisière des forêts, après avoir incendié toutes les maisons, croyant, dans leur lâche sottise, que déployer contre ces murs leur fureur, c’était consommer leur victoire. Les soldats, chargés de leurs armes, passèrent la nuit dans l’inquiétude. Dès la pointe du jour, étant entrés dans les bois sous la conduite de Quintinus, ils s’engagèrent presque jusqu’à la moitié du jour dans les détours des chemins, et s’égarèrent tout à fait. À la fin, arrêtés par une enceinte de fortes palissades, ils se répandirent dans des champs marécageux qui touchaient à la forêt. Quelques ennemis se montrèrent sur leur passage, montés sur des troncs d’arbres entassés ou sur des abattis. Du haut de ces tours, ils lançaient, comme si c’eût été avec des machines de guerre, des flèches trempées dans le poison des herbes ; de sorte qu’une mort certaine était la suite des blessures qui n’avaient fait qu’effleurer la peau, même dans des parties du corps où les coups ne sont pas mortels. Bientôt l’armée, environnée d’un grand nombre