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humblement au Seigneur. S’étant donc rendu au tombeau du saint apôtre, il sollicitait le secours de sa bienveillance, se consumant dans une grande abstinence et un jeûne continuel ; en sorte qu’il était deux ou trois jours sans manger ni boire, et ne mettait point d’intervalle dans ses oraisons. Étant demeuré dans cette affliction pendant l’espace de beaucoup de jours, on rapporte qu’il reçut cette réponse du bienheureux apôtre : « Pourquoi me tourmentes-tu, très saint homme ? il a été irrévocablement fixé par les décrets du Seigneur que les Huns viendraient dans les Gaules, et que ce pays serait ravagé par la plus terrible tempête. Maintenant donc prends ta résolution, fais une prompte diligence, dispose ta maison, prépare ta sépulture, aie soin de te munir d’un linceul blanc. Tu quitteras ton enveloppe corporelle, et tes yeux ne verront pas les maux que les Huns doivent faire à la Gaule. Ainsi l’a dit le Seigneur notre Dieu. » Après avoir reçu cette réponse du saint apôtre, le pontife hâte son voyage et regagne promptement la Gaule. Étant arrivé à la ville de Tongres, il apprête aussitôt ce qui était nécessaire à sa sépulture ; et, disant adieu aux ecclésiastiques ainsi qu’au reste des habitants de la ville, il leur annonce avec des pleurs et des lamentations qu’ils ne verront plus longtemps son visage ; et ceux-ci le suivant avec des larmes et des gémissemens, le suppliaient humblement en disant : « Ne nous abandonnez pas, saint père ! ne nous oubliez pas, bon pasteur ! » Mais comme leurs pleurs ne pouvaient le retenir, ils s’en retournèrent après avoir reçu sa bénédiction et ses baisers. Lui donc, étant allé à la ville d’Utrecht, fut attaqué d’une légère fièvre, et abandonna son corps ;