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notre passage ; et, tenant ta main sur tes yeux fermés, écrie-toi de toute ta force quand je passerai avec les autres : — Je t’en supplie, bienheureux Cyrola, pontife de notre religion, de manifester à mon égard ta gloire et ta puissance, en m’ouvrant les yeux, pour que j’obtienne de recouvrer la lumière que j’ai perdue. » Celui-ci, faisant ce qui lui avait été ordonné, s’assit sur la place publique, et quand l’hérétique passa avec les saints de Dieu, pensant se jouer de Dieu, l’homme s’écria de toute sa force : « Écoute-moi, bienheureux Cyrola ; écoute-moi, saint pontife de Dieu, jette un regard sur ma cécité, et je serai guéri par ces remèdes que souvent les autres aveugles ont obtenus de toi, qu’en ont reçus les lépreux, et qui se sont fait sentir aux morts mêmes. Je te conjure par ce pouvoir que tu possèdes, de me rendre la lumière que j’ai perdue, car je suis accablé d’une cruelle cécité. » Et sans le savoir il disait la vérité, car la cupidité l’avait aveuglé, et pour de l’argent il se riait de la puissance de Dieu. Alors l’évêque des hérétiques se tourna un peu, et, comme s’il eût été prêt à se glorifier dans sa puissance, transporté de vanité et d’orgueil, il mit sa main sur les yeux de l’homme, et dit : « Par notre foi, qui est la vraie croyance en Dieu, que tes yeux s’ouvrent à la lumière. » Et à peine eut-il lâché ce blasphème que la moquerie fit place aux gémissemens et que la fourberie de l’évêque se manifesta au public ; car les yeux de ce malheureux furent saisis d’une si grande douleur qu’à peine en les pressant de ses doigts pouvait-il les empêcher de sortir de sa tête. Enfin l’infortuné se mit à crier, disant : « Malheur à moi misérable, qui