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laissés séparés ; comme si le tombeau avait dû ne pas séparer les corps de ceux que le ciel avait réunis. Les habitants du lieu les ont appelés jusqu’à présent les deux amants. Nous en avons parlé dans le livre des Miracles[1] lviii.

La seconde année du règne d’Arcadius et d’Honorius, saint Martin, évêque de Tours, rempli de vertus et de sainteté, après avoir comblé de bienfaits les infirmes et les pauvres, sortit de ce monde pour aller heureusement vers Jésus-Christ, dans le bourg de Candès de son diocèse[2] lix, dans la quatre-vingt-unième année de son âge, la vingt-sixième de son épiscopat. Il mourut au milieu de la nuit du dimanche, sous les consuls Atticus et Cæsarius [397]. Beaucoup de personnes entendirent à sa mort un concert dans les cieux. Nous en avons parlé amplement dans le livre Ier de ses Miracles. Dès que le saint de Dieu eut commencé à être malade, les gens de Poitiers se réunirent à ceux de Tours lx pour suivre son convoi. À sa mort, il s’éleva entre les deux peuples une vive altercation. Les Poitevins disaient : « C’est notre moine lxi ; il a été notre abbé ; nous demandons qu’on nous le remette. Qu’il vous suffise que, pendant qu’il était évêque dans ce monde, vous avez joui de sa parole, participé à ses repas, vous avez été soutenus par ses bénédictions et réjouis de ses miracles. Que toutes ces choses vous suffisent ; qu’il nous soit au moins permis d’emporter son cadavre. » Ceux de Tours répondaient : « Si vous dites que ses miracles nous suffisent, sachez que, pendant qu’il était parmi vous, il en a fait bien

  1. La jeune fille s'appelait Scholastique.
  2. Au confluent de la Vienne et de la Loire.