Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

robe que je porte est pour moi un fardeau et non un honneur. Mais pourquoi plus de paroles ? Malheureuse ! moi qui devais obtenir la demeure des cieux, je suis aujourd’hui précipitée dans les abîmes ! Ô si tel était mon avenir, pourquoi le jour qui fut le commencement de ma vie, n’en fut-il pas la fin ? Ô plût au ciel que je fusse entrée dans la porte de la mort avant d’avoir goûté le lait ! Plût au ciel que les baisers de mes douces nourrices ne m’eussent été donnés que dans un cercueil ! Les pompes de la terre me font horreur, car je me représente les mains du Rédempteur, percées pour sauver le monde ! Je ne puis voir les diadèmes resplendissants de pierres brillantes lorsque je porte le regard de ma pensée sur sa couronne d’épines. Je méprise les vastes espaces de la terre, car je souhaite ardemment les douceurs du Paradis ! Tes palais élevés me font pitié lorsque je regarde le Seigneur élevé au-dessus des astres ! » À ces paroles prononcées avec des torrens de larmes, le jeune homme, touché de pitié, lui dit : « Nous sommes les enfants uniques des pères les plus nobles de l’Auvergne, et ils ont voulu nous unir pour propager leur race, de peur qu’à leur sortie du monde un héritier étranger ne vînt à leur succéder. » Elle lui dit : « Le monde n’est rien, les richesses ne sont rien, la pompe de cette terre n’est rien ; la vie même dont nous jouissons n’est rien. Il vaut bien mieux rechercher cette vie que la mort même ne termine point, qu’aucun accident, aucun malheur ne peut interrompre ni finir ; où l’homme, plongé dans la béatitude éternelle, s’abreuve d’une lumière qui ne se couche point ;