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soumis à de telles austérités qu’il ne se vêtissait que de peau, ne mangeait que des herbes sauvages crues, et portait si légèrement le vase de vin à sa bouche, qu’on aurait dit que c’était pour le baiser plutôt que pour le boire. Mais la libéralité des dévots lui ayant souvent apporté des vases remplis de cette liqueur, il s’accoutuma par malheur à en boire outre mesure, et finit par s’abandonner tellement à la boisson qu’on le vit plusieurs fois ivre. D’où il arriva que son ivrognerie augmentant par la suite des temps, le démon s’empara de lui et le tourmenta avec une telle violence que, prenant un couteau ou quelque espèce de projectile qu’il pût attraper, soit pierres, soit bâtons, furieux il poursuivait les hommes qu’il voyait ; en sorte qu’on fut obligé de le garder dans sa cellule, chargé de chaînes. Après avoir passé deux ans frénétique sous le poids de ce jugement, il rendit l’esprit. Un autre nommé Anatole [Anatolius], natif de Bourgogne [Bordeaux (Odon)], et enfant de douze ans, à ce qu’on rapporte, étant au service d’un certain marchand, lui demanda la permission d’entrer en réclusion. Le maître résista longtemps croyant que son zèle se refroidirait, et qu’à cet âge il ne pourrait accomplir ce qu’il s’efforçait d’obtenir. Cependant, vaincu par les prières de son serviteur, il lui donna les moyens de faire ce qu’il désirait. Il y avait en ce lieu un antique souterrain voûté et curieusement travaillé, en un coin duquel se trouvait une petite cellule formée de pierres carrée, et dans laquelle un homme pouvait à peine se tenir debout. L’enfant entra dans cette cellule, et y demeura l’espace de huit ans au plus, satisfait de très peu de nourriture et de boisson, veillant et vaquant à l’oraison. Après cela,