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tie, le pontife mit ordre aux affaires de sa maison, puis rendit l’esprit. Romachaire, évêque de la ville de Coutances, vint l’ensevelir.

Tous les citoyens de la ville de Rouen, et surtout les principaux parmi les Francs qui habitaient cette ville, furent alors remplis d’une grande douleur. Un de ces seigneurs vint à Frédégonde, et lui dit : « Tu as déjà commis bien des crimes dans cette vie ; mais tu n’as encore rien fait de pire que d’ordonner le meurtre d’un prêtre de Dieu. Que Dieu venge promptement le sang innocent ! Nous poursuivrons tous la punition de ce crime, afin que tu ne puisses pas exercer plus longtemps de telles cruautés. » Comme il quittait la reine après avoir dit ces paroles, elle lui envoya quelqu’un pour le convier à sa table ; et comme il refusa d’y venir, elle le pria, s’il ne voulait pas s’asseoir à sa table, de boire au moins un coup, afin de ne pas sortir à jeun de la maison royale. Y ayant consenti, il attendit un moment, reçut le breuvage composé, à la manière des Barbares, d’absinthe, de vin et de miel, et le but ; mais il était empoisonné. À peine l’eut-il avalé qu’il sentit en sa poitrine de violentes douleurs, comme si quelque chose le déchirait au dedans de lui ; il s’écria, disant aux siens : « Fuyez, ô infortunés, fuyez le malheur qui m’arrive, de peur que vous ne périssiez avec moi. » Ceux-ci s’abstinrent donc de boire, et se hâtèrent de s’en aller. Lui sentit sa vue s’obscurcir, et montant sur son cheval, à trois stades de ce lieu il tomba et mourut.

Ensuite l’évêque Leudovald xli envoya des lettres à tous les prêtres, et après avoir pris conseil, ferma les églises de Rouen, afin que le peuple n’assistât point aux