Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près de le laisser échapper de ta main., et ne le tenais pas fortement. Étendant les mains, je me présentai en face du roi, en disant : N’enlève pas cet homme de la sainte basilique, de peur que tu ne coures risque de la vie, et que le pouvoir du saint évêque ne te fasse périr ; ne te tue point, de ta propre lance, car si tu le fais, tu perdras cette vie, ainsi que la vie éternelle. Le roi m’ayant résisté, tu lâchas le manteau, et vins derrière moi et je t’étais fort déplaisant. Revenant à l’autel, tu repris le manteau, et le lâchas une seconde fois. Pendant que tu le tenais ainsi mollement, et que je résistais énergiquement au roi, je me suis réveillé saisit de crainte, ignorant ce que signifie ce songe xvi. »

Quand je lui eus raconté cela, il me dit : « Le songe que tu as eu est véritable ; car il se rapporte bien à ma pensée. » Je lui dis : « Qu’a donc imaginé ta pensée ? » Il me répondit : « J’avais résolu, si le roi ordonnait qu’on m’arrachât de cet endroit, de tenir d’une main le manteau de l’autel, et de l’autre, tirant mon épée, de t’en frapper d’abord, et de tuer ensuite autant de clercs que j’en aurais trouvé. Ce n’eût pas été ensuite un malheur pour moi de succomber à la mort, si j’eusse pu tirer vengeance des clercs de ce saint. » Ces paroles me saisirent de stupeur, et je m’étonnai de ce qu’était cet homme ; car le diable parlait par sa bouche, et il n’eut jamais aucune crainte de Dieu. Pendant qu’il était en liberté, il envoyait ses chevaux et ses troupeaux à travers les moissons et les vignes des pauvres. Si ceux dont il détruisait les récoltes les chassaient, il les faisait aussitôt battre par ses gens. Dans l’angoisse même où