Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discours tous restèrent stupéfaits, et le saint de Dieu recommença à dire avec larmes : « Malheur à moi qui ai osé révéler un tel mystère ! Voilà que le doux parfum dont j’avais été embaumé dans le lieu saint, et qui m’a soutenu pendant trois jours sans boire ni manger, s’est éloigné de moi. Ma langue est couverte de blessures déchirantes, et si enflée qu’elle me semble remplir toute ma bouche ; et je sais que j’ai déplu à Dieu mon Seigneur en divulguant ces secrets. Mais, Seigneur, tu sais que je l’ai fait dans la simplicité de mon cœur, et non dans l’orgueil de mon esprit. Je te prie donc de me pardonner, et de ne pas m’abandonner selon ta promesse. » Il dit et se tut ; puis il pria, mangea et but. En écrivant ceci, je crains que quelque lecteur ne le trouve incroyable, selon ce qu’a écrit Salluste [Catilina, III]] dans son histoire : « Quand on rappelle la vertu et la gloire des grands hommes, chacun accueille sans peine ce qu’il croit pouvoir faire lui-même aisément ; mais il regarde comme faux ce qui lui parait au dessus de ses forces. » J’atteste le Dieu tout-puissant que j’ai entendu dire de la propre bouche de saint Sauve ce que je raconte ici.

Longtemps après le saint homme ayant quitté sa cellule, fut promit à l’épiscopat et ordonné évêque malgré lui. Il remplissait ce ministère, je crois, depuis dix ans lorsqu’une peste s’éleva dans la ville d’Albi. Déjà la plus grande partie du peuple avait péri, et il ne restait qu’un petit nombre de citoyens. Le saint homme, comme un bon pasteur, ne voulut point s’éloigner de ce lieu ; mais il exhortait ceux qui restaient à se livrer constamment et avec opiniâtreté à l’oraison et aux veilles, et à s’a-