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revenir dans ce lieu ténébreux de l’habitation du monde, lorsque ta miséricorde dans le ciel m’était meilleure que la vie de ce siècle pervers ? » Comme tous restaient stupéfaits, lui demandant ce que c’était qu’un tel prodige, il ne leur répondit rien. Étant sorti du cercueil, et ne sentant plus du tout le mal dont il avait souffert auparavant, il resta trois jours sans boire ni manger. Le troisième jour, ayant rassemblé les moines et sa mère, il leur dit : « Écoutez, mes très chers frères, et sachez que tout ce que vous voyez dans ce monde n’est rien ; mais, selon la parole du prophète Salomon, tout est vanité[1]. Heureux celui qui mène sur la terre une conduite qui lui fisse mériter de voir la gloire de Dieu au ciel ! » Après ces mots, il hésita pour savoir s’il en dirait davantage ou s’il garderait le silence. Comme il se taisait, tourmenté par les prières de ses frères pour qu’il leur expliquât ce qu’il avait vu, il dit donc : « Lorsqu’il y a quatre jours vous m’avez vu mort dans ma cellule ébranlée, je fus emporté et enlevé au ciel par des anges, de sorte qu’il me semblait que j’avais sous les pieds, non seulement cette terre fangeuse, mais aussi le soleil et la lune, les nuages et les astres ; on m’introduisit ensuite par une porte plus brillante que ce jour dans une demeure remplie d’une lumière ineffable et d’une étendue inexprimable, dont tout le pavé était resplendissant d’or et d’argent ; elle était obstruée d’une si grande multitude de différents sexes, que, ni en longueur, ni en largeur, les regards ne pouvaient traverser la foule. Quand les anges qui nous précédaient nous eurent frayé un chemin parmi

  1. Ecclesiaste, chap. I, v. 2.