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délivré le pauvre qui criait, et l’orphelin qui n’avait personne pour le secourir ; je remplissais de consolation le cœur de la veuve. J’ai été l’œil de l’aveugle, le pied des boiteux, et le père des pauvres[1]. »

Le roi Leuvigild envoya en ambassade vers Chilpéric Agilan, homme sans esprit et nullement habile à lier des raisonnements, mais seulement ennemi obstiné de la loi catholique. En passant par Tours, il commença à nous attaquer sur notre foi, et à combattre les dogmes de l’Église : « Ce fut, dit-il, une sentence impie que celle par laquelle les anciens évêques déclarèrent le Fils égal au Père ; car comment, dit-il, pourrait-il être égal à son père celui qui dit : Mon père est plus grand que moi[2] ? Il n’est donc pas juste qu’il soit regardé comme semblable à son père, auquel il se dit inférieur, à qui il se plaint de la tristesse de sa mort, à qui au dernier moment il recommande en mourant son esprit, comme ne possédant par lui-même aucune puissance ; d’où il est clair qu’il est moindre que son père d’âge et de pouvoir. » À cela, je lui demandai s’il croyait Jésus-Christ fils de Dieu, s’il avouait qu’il était la science de Dieu, sa lumière, sa vérité, sa vie, sa justice. Il me dit : « Je crois que le fils de Dieu est tout cela ; » et, moi je lui répondis : « Dis-moi donc en quel temps le père a été sans science, en quel temps sans lumière, sans vie, sans vérité, sans justice ; le père ne pouvant être sans ces choses, il en résulte qu’il n’a pu exister sans son fils : ce qui s’adapte très bien au mystère

  1. Job, chap. 29, v. 12, 13, 15, 16.
  2. Év. sel. S. Jean, chap. 14, v. 28.