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corrompu, et beaucoup étaient guéris par ce moyen. Mais plusieurs obtinrent la guérison par des breuvages composés des herbes connues pour remédier aux poisons. Cette maladie, commencée dans le mois d’août, attaqua d’abord les enfants, et les fit périr : nous perdîmes nos doux et chers petits enfans que nous avions caressés dans notre sein, balancés dans nos bras, que nous avions nourris avec le soin le plus attentif, leur donnant leurs alimens de notre propre main. Cependant nous essuyâmes nos larmes, et dîmes avec le bienheureux Job  : « Le Seigneur m’avait tout donné, le Seigneur m’a tout ôté ; il n’est arrivé que ce qui lui a plu : que le nom du Seigneur soit béni[1] ! »

En ces jours-là, le roi Chilpéric tomba grièvement malade ; et lorsqu’il commençait à entrer en convalescence, le plus jeune de ses fils, qui n’était pas encore régénéré par l’eau ni le Saint-Esprit, tomba malade à son tour. Le voyant à l’extrémité, on le lava dans les eaux du baptême. Peu de temps après, il se trouva mieux ; mais son frère aîné, nommé Chlodebert, fut pris de la maladie lxxxi. Sa mère Frédégonde, le voyant en danger de mort, fut saisie de contrition, et dit au roi : « Voilà long-temps que la miséricorde divine supporte nos mauvaises actions ; elle nous a souvent frappés de fièvres et autres maux, et nous ne nous sommes pas amendés. Voilà que nous avons déjà perdu des fils ; voilà que les larmes des pauvres, les gémissements des veuves, les soupirs des orphelins vont causer la mort de ceux-ci, et il ne nous reste plus d’espérance d’amasser pour personne ; nous

  1. Job, chap. I, v. 31.