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amassés par Justin, l’impératrice lui en faisait de fréquents reproches, disant : « Tu dissipes en peu de temps avec prodigalité ce que j’ai amassé en un grand nombre d’années. » Et il lui disait : « Notre fisc ne sera pas appauvri, si les pauvres ont reçu l’aumône et que les captifs aient été rachetés, car c’est là un grand trésor, puisque Dieu a dit : Faites vous des trésors dans le ciel, où ni la rouille ni les vers ne les mangent point, et où il n’y a point de voleurs qui les déterrent et qui les dérobent[1]. Ainsi donc, de ce que Dieu nous a donné, amassons des trésors dans le ciel, par le moyen des pauvres, afin de mériter que Dieu augmente nos biens sur la terre. » Et comme, ainsi que nous l’avons dit, c’était un grand et véritable chrétien, à mesure qu’il distribuait, joyeusement ses richesses aux pauvres, Dieu lui en accordait de plus en plus. Car se promenant dans le palais, il vit, dans le pavé d’une salle, une dalle de marbre dans laquelle était sculptée la croix du Seigneur, et il dit : « Seigneur, nous fortifions notre front et notre poitrine du signe de ta croix, et voilà que nous foulons la croix sous nos pieds ! » Et aussitôt il ordonna qu’elle fût enlevée ; la dalle de marbre ayant été détachée et déplacée on en trouva une autre portant le même signe ; lorsqu’on vint le lui dire, il ordonna de l’enlever. Celle-ci ôtée, on en trouva une troisième ; il donna ordre de même qu’on l’enlevât, et l’ayant ôtée on trouva un grand trésor de plus de mille pièces d’or[2] lix. Il prit cet or et le distribua aux

  1. Év. sel. S. Math. chap. 6, v. 20.
  2. Mille auri centenaria, ce qui ferait cent mille livres d’or, somme incroyable.