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l’épée, ne sonne point de la trompette, et que l’épée vienne et ôte la vie aux peuples, je redemanderai leur sang à la sentinelle[1]. Ne gardez donc pas le silence, mais prêchez et mettez devant les yeux du roi ses péchés, de peur qu’il ne lui arrive quelque mal, et que vous ne soyez coupables de sa perte. Ignorez-vous ce qui est arrivé de nos temps, lorsque Clodomir prit et envoya en prison Sigismond ? Le prêtre Avitus lui dit : Ne porte pas les mains sur lui, et si tu vas en Bourgogne, tu obtiendras la victoire ; mais lui, rejetant ce que lui avait dit le prêtre, alla et fit tuer Sigismond avec sa femme et ses fils ; il partit ensuite pour la Bourgogne, et, vaincu par une armée, il fut tué. Ne savez-vous pas ce qui est arrivé à l’empereur Maxime, et comment il força le bienheureux Martin, à recevoir à la communion un évêque homicide li, à quoi celui-ci consentit pour obtenir de ce roi impie la délivrance des gens condamnés à mort ? Poursuivi par le jugement du Roi éternel, Maxime, chassé de l’empire, fut condamné à la mort la plus cruelle. » Personne ne répondit rien à ces paroles ; ils étaient tous pensifs et dans la stupeur. Cependant deux flatteurs qui se trouvaient parmi eux, chose douloureuse à dire en parlant d’évêques, envoyèrent dire au roi qu’il n’avait pas dans cette affaire de plus grand ennemi que moi. Aussitôt il envoya un de ses courtisans en toute hâte pour m’amener devant lui. Lorsque j’arrivai, le roi était auprès d’une cabane faite de ramée ; à sa droite, était l’évêque Bertrand ; à sa gauche, Ragnemode lii ; devant eux était un banc couvert de pain et de diffé-

  1. Ézéchiel, chap. 33, v. 6.