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même ou ce qui m’a été raconté par des gens dignes de foi. J’exposerai donc ici seulement les choses arrivées aux hommes de peu de foi qui, après avoir éprouvé la puissance des secours célestes, recoururent cependant encore aux remèdes de la terre.

Léonaste [Leonastès], archidiacre de Bourges, avait perdu la lumière par des cataractes qui lui étaient tombées sur les yeux. Après s’être promené de médecin en médecin, sans pouvoir recouvrer la vue, il vint à la basilique de saint Martin, et là il demeura deux ou trois mois gémissant assidûment et priant que la lumière lui fût rendue. Un jour de fête il s’aperçut que sa vue commençait à s’éclairer ; mais revenu à sa maison, il appela un juif qui lui mit des ventouses aux épaules afin de rendre encore plus de lumière à ses yeux ; mais à mesure que le sang coulait, il retombait dans sa cécité. Alors il revint de nouveau au saint temple et y demeura encore un long espace de temps, mais sans pouvoir recouvrer la lumière ; ce qui, je pense, lui fut refusé à cause de son péché, selon ces paroles du Seigneur : « Quiconque a déjà, on lui donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais pour celui qui n’a point, on lui ôtera même ce qu’il a[1] [Matthieu, 13, 19]. » Et cette autre : « Vous voyez que vous êtes guéri, ne péchez plus à l’avenir, de peur qu’il ne vous arrive quelque chose de pire[2] [Jean, 5, 14]. » Celui-ci serait demeuré en santé, s’il n’eût pas voulu ajouter les secours d’un Juif à ceux de la puissance divine ; car tels sont les avertissements et les paroles de l’apôtre [II Corinthiens, 6, 14-17] : Ne vous attachez point à un même joug avec les infidèles, car quelle union

  1. Évang. sel. S. Mathieu, chap. 13, vers. 12.
  2. Évang.sel. S. Jean, chap. 5, v. 14.