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eux, désirant s’en retourner, lui dirent : « Apprends-nous ta volonté, afin que nous sachions ce que nous devons faire, ou bien nous nous en retournerons chez nous ; car nous ne sommes pas venus à toi de notre volonté, mais par l’ordre du roi. » Mais lui, amoureux d’une vaine gloire, assembla la foule des pauvres, et leur ordonna de s’écrier en ces mots : « Pourquoi nous abandonnes-tu, bon père, nous, tes enfants, que tu as nourris jusqu’à présent ? Qui nous donnera à boire et à manger si tu t’en vas ? Nous t’en prions, ne nous quitte pas, toi qui avais coutume de nous sustenter. » Alors, se tournant vers le clergé de Tours, il dit : « Vous voyez, mes très chers frères, combien je suis aimé de cette multitude de pauvres ; je ne puis les quitter pour aller avec vous. » Les clercs, ayant reçu sa réponse, retournèrent à Tours. Caton s’était lié d’amitié avec Chramne, et en avait obtenu la promesse, si le roi Clotaire mourait en ce temps, qu’il chasserait aussitôt Cautin de l’épiscopat, et mettrait Caton à la tête de son église. Mais celui qui avait eu en mépris la cathédrale de Saint-Martin n’obtint pas celle qu’il voulait. Ainsi s’accomplit en lui ce qu’avait chanté David : « Ayant rejeté la bénédiction, elle sera éloignée de lui[1] [Psaumes, 108, 18]. » Caton s’était exhaussé sur le cothurne de la vanité, et ne croyait pas que personne pût le surpasser en sainteté. Quelquefois il faisait venir pour de l’argent des femmes dans l’église, et leur ordonnait de crier comme si elles eussent été emportées par la vivacité de leur conviction, le reconnaissant pour un grand saint, et très cher à Dieu, et déclarant l’évêque Cautin coupable

  1. Psaum. 108, v. 18.