Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garder ; et, s’étant emparé de son royaume, il le fit égorger secrètement.

Dans ce temps, l’armée de Clovis pilla un grand nombre d’églises, parce que ce prince était encore plongé dans un culte idolâtre. Des soldats avaient enlevé d’une église un vase d’une grandeur et d’une beauté étonnante, ainsi que le reste des ornemens du saint ministère. L’évêque de cette église lxxx envoya vers lui des messagers pour lui demander que, s’il ne pouvait obtenir de recouvrer les autres vases, on lui rendit au moins celui-là. Le roi, ayant entendu ces paroles, dit au messager : « Suis-moi jusqu’à Soissons, parce que c’est là qu’on partagera tout le butin ; et lorsque le sort m’aura donné ce vase, je ferai ce que demande le pontife[1] lxxxi. » Étant arrivés à Soissons, on mit au milieu de la place tout le butin, et le roi dit : « Je vous prie, mes braves guerriers, de vouloir bien m’accorder, outre ma part, ce vase que voici, » en montrant le vase dont nous avons parlé ci-dessus. Les plus sages répondirent aux paroles du roi : « Glorieux roi, tout ce que nous voyons est à toi : nous-mêmes nous sommes soumis à ton pouvoir. Fais donc ce qui te plaît ; car personne ne peut, résister à ta puissance. » Lorsqu’ils eurent ainsi parlé, un guerrier présomptueux, jaloux et emporté, éleva sa francisque et en frappa le vase, s’écriant : « Tu ne recevras de tout ceci rien que ce que te donnera vraiment le sort. » À ces mots tous restèrent stupéfaits. Le roi cacha le ressentiment de cet outrage sous un air de patience. Il rendit au messager de l’évêque

  1. Grégoire de Tours fait employer à Clovis le mot de papa.