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songe que, si vous le permettez, je vais vous raconter. Je voyais beaucoup de choses la nuit dernière, et voilà, il y avait un grand appartement dans lequel était placé un trône. Sur ce trône était assis un juge, qui l’emportait sur tous les autres par son pouvoir ; il était entouré d’un grand nombre de prêtres en vêtemens blancs, et d’une foule innombrable de peuple. Pendant que je contemplais ces choses en tremblant, j’aperçus le bienheureux Sidoine qui s’élevait au milieu de tous, accusant vivement ce prêtre qui vous était cher, et qui est sorti de ce monde il y a peu d’années : celui-ci ayant été condamné, le roi ordonna qu’on le plongeât dans un sombre cachot. Comme on l’entraînait, Sidoine commença à s’élever contre vous, disant que vous aviez été complice du crime pour lequel cet autre venait d’être condamné. Comme le juge cherchait avec soin quelqu’un pour l’envoyer vers vous, je me cachai parmi les autres et me retournai, craignant, comme je vous suis connu, qu’on ne m’envoyât vers vous. Pendant que je réfléchissais à cela en silence, tout le monde s’étant éloigné, je restai seul ; le juge m’ayant appelé, je m’approchai de lui. À l’aspect de sa puissance et de son éclat, je demeure stupéfait et, chancelant de crainte, il me dit alors : Ne crains rien, jeune homme, mais va, et dis à ce prêtre qu’il vienne pour répondre à l’accusation, car Sidoine a demandé qu’on le fit venir. Ne différez donc pas à vous y rendre, parce que le roi m’a recommandé expressément de vous dire ces choses, me disant : Si tu te tais, tu mourras de la mort la plus cruelle. » À ces mots, le prêtre effrayé laissa échapper la coupe