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entraînaient Serge fort loin, vers les îles du nord ; et il cheminait parfois sur les champs de neige, à la lueur des aurores boréales, pendant des semaines entières, dans son traîneau attelé de chiens esquimaux.

« À force d’échanger des fourrures précieuses contre des roubles, avec les marchands venus de Pétersbourg et Shelsingfors, Serge était devenu riche. Il avait le meilleur fusil et le plus beau traîneau de tous les chasseurs du village. Malgré cela, il n’était pas heureux : un besoin d’aventures et d’imprévu le tourmentait sans cesse. Et, quoiqu’il n’en parlât jamais à Vera, qui demeurait pour lui la plus affectueuse et la plus dévouée des amies, il pensait toujours à la mystérieuse fille du roi des Neiges.

« Pourtant, le scepticisme commençait à entrer dans son esprit : il se disait parfois que l’enfant dont il avait gardé un si vivace et si persistant souvenir, n’était peut-être, comme ses parents le lui avaient autrefois répété, qu’une petite fille du voisinage, sans doute de quelque village des environs, qui, à l’approche de la nuit, s’était hâtée de rentrer chez ses parents.

« Serge allait atteindre ses dix-huit ans. Cette année-là il y eut un hiver terrible. Serge résolut de profiter du froid pour entreprendre une grande chasse dans une forêt qu’il n’avait pas encore visitée. Il pourvut son traîneau de bœuf salé et de pain pour lui, de poisson sec pour ses chiens, se munit de ses souliers à neige et de