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en mocassins

elle l’avertit de ne la pas toucher sous peine de la perdre une seconde fois. Il hésite ; mais le sentiment l’emporte sur la raison : il s’élance et veut embrasser son épouse. Il ne presse sur son cœur qu’une statue de bois.

Ainsi, leur muse ressemble toujours à ces beaux papillons amoureux des ténèbres. À son inspiration, les pêcheurs ont beau allumer, le soir, des feux au bord de l’eau, et haranguer les poissons pour les engager à se jeter dans leurs filets ; le chasseur-étoile qui poursuit la Grande Ourse, a beau la percer chaque automne de sa flèche ; et, pendant les fraîches nuits, l’étoile blessée a beau teindre de son sang le feuillage des forêts ; c’est chez la race algique qu’il faut chercher les Grâces chaussées de mocassins et la véritable poésie de la nature.

Le sérieux et la robustesse de l’esprit joints à la puissance d’imagination, ont fait des Iroquois, des diplomates habiles, d’éloquents orateurs et des créateurs étonnants de poésie farouche. Leur Ligue a développé et mis en plus grande évidence chez eux ces qualités remarquables de leur race.

Aussi se réflètent-ils plus que tous leurs congénères dans la conception ancestrale d’Attahentsic, leur mère commune. Comme elle, ils ont de la grandeur native et le goût de l’horrible ; comme elle, ils ont fondé un royaume et cherchent à le peupler par des moyens barbares.