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goûter tout le charme ; elle devait doubler l’intérêt du discours. Néanmoins quelle habilité dans celui-ci, quelle adresse à dire finement les choses, quelle satire spirituelle et mordante du peu de considération témoigné par les Français à leur captif rendu à la liberté et ayant droit dès ce moment à des égards ; enfin quelle ingéniosité dans l’invention des machines oratoires !

Sans méconnaître ce qu’un tel genre d’éloquence a de puéril, il faut avouer que l’appropriation aux auditeurs en fait un art véritable, et qu’il est bien conçu pour produire le plus grand effet sur les imaginatifs que sont les Indiens.

Pendant son court séjour à Trois-Rivières, Tiotsaeton brilla par une foule de fines réparties : en voici quelques unes :

Le commandant du fort, M. de Champflour qui lui faisait fête et le régalait de son mieux, lui disait pour mettre le comble à sa bienveillance : « Vous êtes ici comme chez vous ». — « Ce capitaine est un grand menteur », reprend le sauvage en se tournant vers l’interprète. Il se tait un instant pour jouir de la surprise causée par cette réflexion inattendue, et ajoute : « Il dit que je suis ici comme chez moi. C’est faux : dans ma cabane, je suis maltraité, et je fais ici bonne chère ; je meurs de faim dans mon pays, et je passe ici mes jours en festins. »

Un Huron malintentionné cherche à le prévenir