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cérité, à la justesse, à quelque figure de langage frappante et souvent d’une hardiesse orientale.

Les harangueurs iroquois, après s’être remplis de leur sujet, parlaient d’abondance ; un souffleur avait charge de leur rappeler, au besoin, la suite des choses qu’ils avaient résolu de dire. Leurs intonations, leurs inflexions de voix et leur mimique, admirables de naturel et de justesse, comptaient pour beaucoup dans l’effet produit. Leur action toutefois ne portait pas à faux, et l’argument faisait un fond solide à tous leurs discours. Il le fallait puisque, selon Bressani, leurs auditeurs « comprenaient et discouraient très bien » et « se rendaient franchement aux raisons »[1].

Quelques traits essentiels et indélébiles d’un tel art doivent subsister dans les traductions, et révéler, comme le font souvent de simples profils, l’habilité des artistes.

Voici, par exemple, un extrait typique de harangue. Tiotsaeton[2], chef iroquois, ramène aux Trois-Rivières un prisonnier français nommé Couture, et parle devant M. de Montmagny  : « C’est ce collier, dit-il, qui vous ramène ce prisonnier. Je n’ai pas voulu lui dire, lorsque nous étions encore dans mon pays : Va-t’en, mon neveu ; prends un ca-

  1. « Relation de Bressani », trad. fr. par le P. Martin, p. 170
  2. La Mère M. de l’Incarnation, écrit Kiotsaeton, mais il faut écrire, d’après l’abbé Cuoq, Tiotsaeton. Voir « Lexique iroquois ».