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en mocassins

Le vent qui rafale autour du rocher, lui apporte encore, par intermittence, le bruit des rames qui peinent.

Haletante et les mains écorchées, elle s’acharne aux escarpements ou les tourne ; monte, ici par une rampe, là par une crevasse, et, de peine et de misère, arrive en haut, beaucoup plus haut que les plus grands arbres, sur le sommet dénudé, ondulant sous un tapis de mousse grisâtre, de mousse vierge comme la rosée et sur laquelle n’ont jamais passé que les vents.

De nouveau elle écoute, comme afin de s’orienter, le bruit des rames ; puis continue sa marche ; mais, épuisée par les fatigues de l’ascension, elle se traîne maintenant sur les genoux.

Où va-t-elle ? — Droit vers la rivière où le flanc du rocher tombe quasi verticalement du sommet jusqu’à l’eau.

Arrivée au bord du gouffre, elle reste quelques instants immobile, prête l’oreille, localise le canot, concentre ses forces… puis soudain, elle se dresse sur la roche moussue que balaye le souffle glacé du nord. Ce qui va suivre est horrible.

Dans la vague rousseur du crépuscule, elle lève vers le ciel sombre, le décharnement de ses bras nus, et, bouche béante comme un spectre de la malédiction, pousse, en face de ses fils, un cri déchirant qu’elle fait suivre de ce chant de mort :