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cogomis

retourne dans son propre cœur : « Me voici, se dit-elle, livrée à la mort par ceux qui me doivent la vie, cruellement rejetée de ceux que j’ai le plus aimés, réduite à ne voir plus que de monstrueux ennemis dans les fruits de mes entrailles ! Je n’ai donc vécu si longtemps que pour sortir de la vie par la porte du désespoir, le cœur percé, jusqu’à mon dernier soupir, par les traits d’une horrible ingratitude ; que pour mourir en maudissant !… »

Tout à coup, sortant de son immobilité, elle se lève sur ses genoux et de sa bouche édentée qui s’ouvre grande, sort un cri aigu, déchirant.

À ce cri de sa mère, Awatanit choit au fond du canot, évanoui…

Que fait maintenant la vieille infortunée ? — Muette et empressée, elle marche, en tâtonnant de son bâton, vers le rocher.

Et voici qu’avec une adresse incroyable, elle l’escalade.

Elle connaît évidemment l’endroit pour y avoir souvent campé, et sa mémoire des lieux, cette merveilleuse faculté des sauvages, la conduit sûrement. Elle sait où elle va. Aux racines, aux petits bouleaux, aux branches des sapins, elle s’accroche des mains et des pieds ; elle se hisse ; avec lenteur et dextérité, avec un regain de force que lui donne l’exaspération, une colère indéfinissable d’amour blessé qui se venge, elle grimpe.