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en mocassins

— « Enfant, tu commences à avoir de l’esprit, » reprend l’aîné. « Il est mieux, en effet, que personne ne connaisse le sort que nous lui faisons. »

— « Ne la tuons pas, car nous lui devons la vie, » reprend Awatanit.

— « Mort pour mort : cela revient au même, » murmure le cadet.

— « C’est moi qui vous dirai ce qu’il faudra faire », conclut Awessenipin, avec un clignotement de ses yeux louches. « Jusques après la dispersion des familles, silence. »

***

Sur la rivière Abbitibbi, entre des rives fortement boisées, un léger canot d’écorce lutte péniblement contre la bise. L’eau écume sur les grèves, les rameaux se balancent au-dessus des vagues. Les blancs squelettes de bouleaux se démènent dans les escarpements farouches. Les noirs sapins inclinent leurs flèches sous le ciel gris et les longues volées de corneilles qui émigrent.

Trois rameurs vigoureux montent le canot qui porte aussi une très vieille femme à cheveux blancs, des ballots ficelés, des attirails de chasse et de pêche et des chiens dont une couple appuient leurs nez sur le bordage. Elle semble rétive cette fragile embarcation, par le vent contraire qui souffle du Kiwatin.

En avant, à trois portées de flèches, les vagues