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cogomis

passer l’été. La voici rendue à la chute du Gotchipi.

L’eau saute, bouillonne, tourne et gronde dans un gouffre à demi voilé par l’embrun et d’où sort, en écumant, la rivière. Du sommet de la côte abrupte et très élevée qui borde la chute, le regard embrasse une immense vallée, un panorama sauvage, où les rochers mêlent leurs teintes roses et lilas, presque aériennes, au bleu profond des sapins, le tout bariolé de soleil et d’ombre. Parfois, cette ombre des nuages passants, couvre tout, si ce n’est que des rubans ou des points lumineux, mobiles, évanescents, se promènent de colline en colline, de l’âpreté d’un sommet aux vagues étoilées de la rivière.

Toute fleurie d’écume au sortir de la cascade, elle court bruyante, la rivière gonflée par les eaux de neige ; elle se hâte de fuir, emportant des arbres dont les branches en sortent comme des bras éplorés. Là-bas, elle disparaît en tournant un promontoire zébré de bouleaux ; puis au-delà, se montre encore un peu dans l’ombre des caps, pour s’effacer définitivement sous une buée légère, au pied des montagnes.

Du haut de la côte, deux sauvages aux yeux placides, impénétrables, regardent ces beautés grandioses. Que leur disent-elles ? — Peu de chose dans le moment : un trop vil démon les taquine. Ils fument, assis entre leurs chiens et un tas d’objets : pièges,