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cogomis

s’y promène sur les coteaux mornes et les rivières emprisonnées sous leurs glaces ; elle se suspend aux branches des sapins ployés sous le fardeau des frimas, et joue avec la peluche des lichens accrochés aux vieux mélèzes. Elle chante dans le vent du nord vidant ses immenses poumons glacés sur les flancs des montagnes, à travers les arbres sans feuilles. C’est pour lui plaire que le verglas argenté si bien les rochers, change la forêt en une phantasmagorie de cristal, et fait ployer les rameaux sous une floraison d’étoiles glacées.

La poésie de l’hiver, elle passe dans les cris doux et sonores du bruant des neiges, dans le timbre minuscule des mésanges et le crépitement du grésil. Elle gronde avec le rapide sous la glace épaisse, et, la nuit, fait répéter aux échos les ululements de hibou et les hurlements de loups affamés. Elle suit le chasseur, pour entendre siffler sa flèche meurtrière, et se mêle au rayon sur la neige ensanglantée ou dans l’œil mourant du caribou. Elle préside aux veillées du wigwam et inspire à l’aïeul les narrés qui transportent au fond du passé et donnent douleur. Le soleil bas la laisse chevaucher sur ses rayons qui enflamment les glaces sans les fondre, et couchent loin, sur la neige, les ombres bleues des arbres et des rochers.

Mais, lorsque reviennent les oiseaux chanteurs, prise de jalousie, la poésie de l’hiver s’enfuit vers